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Texte critique de Claire BRUNET, philosophe, psychanalyste

 

 

 

Craies et poudres.

 

«  Qui ne voit que l’usage de la poudre de riz, si niaisement anathémisé par les philosophes candides, a pour but et pour résultat de faire disparaître du teint toutes les taches que la nature y a outrageusement semées, et de créer une unité abstraite dans le grain et la couleur de la peau, laquelle unité, comme celle produite par le maillot, rapproche immédiatement l’être humain de la statue », Charles Baudelaire.

 

«  Il y a dans le phénomène de l’expression, une bonne ambiguïté, c’est-à-dire une spontanéité qui accomplit ce qui paraissait improbable, à considérer les éléments séparés, qui réunit en un seul tissu (…) le passé et le présent, la nature et la culture. », Maurice Merleau-Ponty.

 

Craies et poudres, ciels, mousses, roches, vents, mers, blancheurs — d’emblée frappent ici les matérialités. Un sol insiste, où ces images se configurent et prennent appui, font paysage, espace et dimensions. Mais autre chose encore. Une chose formelle marquant les axes de symétrie, découpant des plans, délinéant des bords, soulignant des angles, agrafant des figures géométriques etc. Une chose charnelle puisque la Grèce s’indique dans ces pierres et ces vagues, ces teintes et ces lumières. La géographie physique du pays s’impose, et ces pièces photographiques témoignent d’une rencontre avec matières et matériaux à quelques endroits précis. La bordure entre terre et mer, sur une île grecque. L’entre-deux couches géologiques. Le lieu de la pérégrination, par quoi ces travaux récents endossent le souvenir des installations antérieures de Baudouin Colignon, qui sont des earthworks au sens que ce terme revêt dans l’histoire de l’art contemporain. Le plan du support, ou subjectile, enfin, par quoi c’est une pratique picturale passée qui fait retour et se signale.

 

En un sens proche mais distinct de celui que Jean-François Chevrier accordait à ce terme, une « intimité territoriale » s’expose. Non pas tout à fait « expérience d’appropriation qui altère (…) la distinction privé / public sur laquelle sont fondées la séparation et la discrimination des espaces fonctionnels ». Non pas tout à fait « celle qu’un individu entretient avec son environnement au-delà de l’abri domestique ». Et non pas encore celle qui « peut résulter d’une obligation de repli correspondant à un défaut de domicile légal, à une exclusion de l’espace public ». Car Chevrier désigne ici les terrains vagues et leurs habitants sans domicile fixe. Mais l’ouverture par quoi une dimension subjective s’inscrit à même le terrain. En l’occurrence le vœu d’une lecture, l’insistance d’une mémoire ou l’obstination à cadrer un plan. Peintures rupestres ou pratiques du bas relief remontent à la surface de l’image autrement plus que logique ou tradition documentaires. Car le motif produit ici effets déceptifs de forme et de visualité. Le bord, l’angle physiques suscitent autant d’anamorphoses et d’incertitudes.

 

Que voit-on au juste dans ces pièces ? On ne le sait pas tout de suite. On y comprend cependant bien vite que l’objet du regard est incertain. On y enregistre aussi, à l’instar des vertiges du dialogue platonicien Le Parménide, que le petit se métamorphose en grand et le grand en petit au point d’inquiéter toute égalité. On y identifie nombre de paradoxes perceptifs. Un trouble les habite : ces photographies sont fondamentalement médiatisées et dialectiques, pleines de multiplicités et de réminiscences. Autant de palimpsestes. Et non de prises directes. Baudouin Colignon peut ainsi affirmer qu’il travaille sur ce que les Grecs nous ont laissé — les jeux d’optique. Grecs de toutes époques au demeurant puisqu’il pense aussi bien aux déformations de la peinture du Greco mettant en crise le canon et la norme de la représentation classique qu’aux critiques adressées par Platon à la skiagraphia, art de la perspective, art des simulacres, art d’acclimater l’image au point de vue du regardeur et de penser les concordances et discordances de leurs positions et orientations respectives.

 

Echelles et identités sont ici diffractées et ce qui semble falaise est rocher, ce qui semble mur est parterre, ce qui semble en avant est en arrière, ce qui semble immense, modeste etc. Ces images déploient un espace où la topographie s’invagine en topologie, et l’on se souviendra que le ruban de Moebius fut longtemps au centre des pratiques picturales de l’artiste. L’entêtement géométrique est encore au rendez-vous. Mais une géométrie des bizarreries sédimentées où la forme disparaît alors même qu’elle se dessine, où la figure s’enlève sur un fond improbable. Le regardeur est ici provoqué : il se doit de considérer l’énigme et la question. Par delà l’inventaire du champ d’observation, le hors champ ; en même temps que l’un, le double ; en deçà du trait, la part d’ombre.

 

Aussi ces pièces convoquent-elles une origine grecque en même temps qu’elles l’inquiètent : dans un passage célèbre de la Poétique, réhabilitant le goût des images contre le platonisme, Aristote note que le plaisir que nous prenons à les regarder est une manière de syllogisme. Le spectateur est celui qui éprouve le plaisir de dire quelque chose comme : « celui-ci, dans la peinture, c’est celui-là, dans la réalité ». Et si Baudouin Colignon, fidèle à la réversion moderniste comme au moment contemporain, brouille ces jeux de l’identification, il ne trahit pas cette conception exigeante de l’œuvre et la requiert. Il adresse une demande à son regardeur. Il lui intime un effort de décryptage. A ce titre, on pourra dire ces pièces conceptuelles. Celui-ci n’est jamais tout à fait celui-là. L’île pas tout à fait où l’on croit. Illusions d’optique. Enchevêtrement des regards. Aucun réalisme n’est de mise. Les jeux de la condensation et du déplacement lui sont préférés, que Freud nommait travail de la figurabilité. Une falaise n’est que caillou, une continuité recèle un gouffre. Ce ne sont qu’oscillations et entre-traductions de fragments minéraux. Passage d’un régime perspectif à l’autre. P du point de vue entre deux prises. Celui qui regarde se confronte aux failles mêmes de la reconnaissance.

 

Car le geste de l’artiste est en son fond découpe et sampling. Non pas trucage ou magie qui feraient signe vers Méliès, mais montage à l’ère du numérique. L’image se fabrique ainsi entre terrain et ordinateur, et dans le processus d’un long aller-retour entre marche, dessin et prise de vue. Elle épouse la logique rétinienne et sa persistance. Plusieurs saisies entrent en collision et en coalescence pour produire une pièce unique. Aussi ces images sont-elles héritières de Muybridge et Marey autant que de la lente dépose dessus dessous des couches de la peinture. Elles jouent de la diversité des effets de la capture du temps. Elles condensent une succession. Elles immobilisent une séquence. Elles sédimentent des moments. Elles les diffractent sur le temps du monde et disent leur différend, tant il est vrai qu’un logiciel calcule les mouvements du soleil et prescrit l’heure de la capture en fonction d’une donnée fondamentale de ce travail : l’ombre. Mais non pas du tout pour en parfaire les raccords.

 

Ces ombres sont sans correspondances. Ombres en décalé, ombres impossibles. Autant de distorsions temporelles. La projection n’est pas directe. Le flou, le trouble, l’inquiétante étrangeté envahissent ces fragments qui deviennent dès lors lieux de l’enquête. Les objets et les traits y sont autant de traces, et témoignent d’autant de moments distincts du faire. Aussi faut-il le dire, ces pièces sont produites avec un support théorique, car la photographie aussi est chose mentale. Elles sont l’effet d’autant de questions. Comment produire l’image discrète d’une mutation infinitésimale ? Comment fabriquer la figure unifiée d’une diffraction et faire du Un avec du Divers ? Comment inscrire les multiplicités sous l’autorité d’une forme ? Comment résoudre la différence des échelles et des temps dans un cadre ? Là joue la fabrique numérique où le sans mesure du continu est intégré par le calcul. Et sur cet ordre contemporain des intégrales vient en surimpression la figure grecque de la règle de Lesbos évoquée par Aristote encore, « cette règle qui ne reste pas rigide et peut épouser les formes de la pierre », cette règle à la convenance de la chose et de ses anfractuosités ou replis, cette règle qui tente la mesure de ce qui ne coïncide pas avec soi-même. Non pour contrer la géométrie au nom du singulier. Mais pour en rappeler l’abstraction au moment même où, contrairement au maquillage baudelairien, on en retient « les tâches que la nature y a outrageusement semées » tout en les inscrivant sur le plan d’un support virtuellement quadrillé.

 

Là surgit cependant un nouveau problème : si aucune langue commune, d’expérience, ne peut dire la conversion d’un régime dans l’autre, peut-on déléguer cette ambition à l’œuvre ? L’aller-retour entre les lieux, les temps, le dessin, la prise de vue, la reprise le tente. Mais demeure un point de fragilité : les sutures sont d’abord invisibles et les échelles effacées, mais l’œil attentif menace de faire dominer le son de la discrépance qui localiserait la trouée et, brisant le point d’équilibre, la ferait disséminer. Non content de traquer les déchirures, le spectateur pourrait s’en obséder !

 

Aussi peut on dire que ces cristallisations prennent le risque de l’Egypte, si l’on s’amuse à convoquer les catégories de l’esthétique de Hegel. En effet, voulant faire de la Grèce et de l’art classique le lieu d’éclosion de la figure humaine et de sa représentation accomplie, ce dernier évoque les colosses égyptiens qui anticipent le passage d’un art à l’autre : «  Remarquables sont les colossaux Memnons qui, repliés sur eux-mêmes, immobiles, les bras serrés, et sans vie, se trouvent placés face au soleil afin d’en recevoir les rayons qui les touchent, les animent et les fassent résonner. Hérodote affirme du moins que les Memnons émettent des sons au moment du lever du soleil. ( …). On peut expliquer cette émission par analogie avec le crépitement de certains minéraux lorsqu’on les plonge dans l’eau : les sons émis par ces figures de pierre proviendraient des fentes qui s’ouvriraient et se refermeraient sous l’influence de la rosée et de la fraîcheur matinale, et de l’échauffement consécutif par les premiers rayons du soleil. ». Il poursuit pour différencier ces moments de l’histoire de l’art : « Mais en tant que symboles, ces colosses (…) ont besoin de la lumière extérieure pour faire résonner leur âme. (…) En Egypte l’intérieur de la figure humaine est encore sans voix et attend la nature pour être animé ». Oscillations entre minéralités et visages, sensibilité aux moments du jour, tentative de recel des qualités de l’air marin. Voilà qui pourrait qualifier les images de Baudouin Colignon.

 

La figure humaine est du reste au cœur d’une série de ses pièces photographiques, ombres projetées, dimensions incertaines, voire colossales justement, découpes et délinéations, traits de craie ou traces de lumières. L’autoportrait affleure, mais toujours différé. Lui aussi attend la nature pour être animé : passage des astres, flux et reflux des eaux. Mais il y a plus encore : dans ces interstices du visible, dans ces fentes qui s’ouvrent et se ferment, les Grecs ont installé des êtres hybrides, encore agrippés à la Nature, incertitudes logiques mi-hommes, mi-bêtes, mi-dieux, sirènes ou cyclopes échoués entre le flot des vagues et la clôture des îles. Entités évanescentes. Choses du regard. Effets du désir. Ce jeu sur ce qui apparaît et disparaît, Baudouin Colignon le reprend à son compte par le fait du tracé.

 

A cet endroit, il réinvestit la Fable, qui fait d’une jeune abandonnée traçant la silhouette de son amant le point d’origine de la peinture. L’épisode est narré par Pline au livre XXV de l’Histoire Naturelle : «  Fingere ex argilla similitudines Butades Sicyonius primus figulus invenit / Corinthi filiae opera, quae capta amore iuvenis, abeunte illo peregre / umbram ex facie eius ad lucernam in pariete lineis circumpscripsit… ». Entre père et fille, se sont constitués le dessin et la sculpture — lignes sur le mur, argile dans le feu, circonscriptions et similitudes. Immobilisations de la découpe, arrêts de la lumière, fixations de ce qui part, les photos de Baudouin Colignon sont autant de graphismes calculés et expérimentés d’une lumière ayant emprunté les gestes de cette jeune fille originaire. Mais s’y dépose une tout autre trace, celle des noces brisées et toujours recommencées de la nature et de la géométrie, des îles et de l’écume, de la craie et de l’ombre, celles d’un monde antérieur que viennent désormais troubler nos improbabilités.

 

 

A review by Claire BRUNET, a philosopher, psychoanalyst

 

 

 

Chalk and powders

 

"Whoever can only see the use of rice powder, so inanely anathemized by ingenuous philosophers, aims to and results in the disappearance of all the stains that Nature has outrageously sown, and intends to create some abstract unity in the grain and the complexion of the skin, a unity which, like that produced by the undershirt, immediately brings the human being closer to the statue”, Charles Baudelaire.

 

“In the phenomenon of expression, there is a good ambiguity, that is a spontaneity, which accomplishes what seemed unlikely, considering the separate elements, to unite in one single fabric (…) the past and the present, nature and culture”,

Maurice Merleau-Ponty.

 

 

 

Chalk and powders, moss, winds, seas, whiteness – strike realities here, straightaway. There is a ground that insists, where those images  take shape and find their support, where they create landscapes, space and dimensions. But there is something else. Something formal that signals the axes of symmetry, cuts out surfaces, delineates edges, stresses out angles, staples geometrical figures, etc. Something physical as Greece is drawn in those rocks and waves, in those shades and lights. This is implied by the physical geography of the country, and those photographs result from an encounter with matter and materials in some specific places. The border between land and sea, on a Greek island. The in-between two geological layers. Where the pilgrimage takes place, which embody the memory of Baudouin Colignon’s previous installations, earthworks in the sense of that term in contemporary art. Finally, the surface of the backup material, or subjectile, through which a past pictorial practise returns and asserts itself.

 

In a close yet distinct sense from that given by Jean-François Chevrier, a “territorial intimacy” is displayed. Not quite an “experience of appropriation which alters (…) the private/public distinction that an individual maintains with his environment beyond the domestic shelter”. Neither is it that which “can result from having to fold itself back due to the lack of a place of residence, an exclusion from the public space”. Because here Chevrier designates wasteland and its homeless inhabitants. But the opening by which a subjective dimension comes in line with the terrain. Here it is the wish to read something, the insistence of a memory or the obstinacy to center an image. The practises of drawing in caves or bas-relief well up to the surface of the image much more than logic or documentary tradition. Because here the pattern produces effects deceptive in shape and visuality. The edge, the physical angle arouse so many anamorphoses and uncertainties.

 

Just what do we see in those pieces? You do not know at once. However you quickly understand that what you are looking at is uncertain. In much the same way as in the Platonic dialog of the Parmenides, you also take into account that small things transform into large ones and large ones into small ones, to the extent that they challenge any notion of equality. You identify a number of perceptive paradoxes. There is some confusion about them: those photographs are fundamentally publicized and dialectical, full of multiplicities and recollections. So many palimpsests.  Thus Baudouin Colignon can assert that he works on the Greeks’ heritage – the games of optics. In fact this applies to the Greeks of all periods of history: he may think of the distortions in Greco’s paintings, which challenge the canons and standards of classical representation as well as of Plato’s criticism of skiagraphia, an art of perspective, of pretense, of adjusting the image from the viewer’s point of view and of looking at the concordance and the conflicts of their positions and respective orientations.

 

Here scales and identities are diffracted and what looks like a cliff is a rock, what seems to be a wall is the ground, what appears to be in the foreground is in the background, what one perceives as huge is small, etc. These images open up a space in which topography inverts itself as topology, and one remembers that the Moebius strip was long at the core of the artist’s pictorial practise. Geometric obstinacy is of the essence again. But it is a geometry of sedimented quirks where shape vanishes as it appears, where the figure withdraws on an unlikely background. In this sense the viewer is challenged: he must look at both the riddle and the question. Beyond the inventory of the field of observation there is the off-camera; one thing and its double; before the line there is the shadowy side.

 

This is how those pieces both claim and disclaim a Greek origin: in a famous passage of the Poetics which redeems the taste of images as against Platonism, Aristotle observes that the pleasure we have in looking at them is a manner of syllogism. And while Baudouin Colignon, faithful to both the modernist reversion and the contemporary times, scrambles those games of identification, he does not betray that demanding conception of the work, instead he requires it. He sends his viewer a requirement. He orders him to interpret it. In that sense, those works can be called conceptual. This is not quite that. The island in not quite where you think it is. Optical illusions. A tangle of looks. No realism is appropriate. The games of condensation and displacements are preferred; Freud named them the work of figurability. A cliff is nothing but a stone, a continuity hides an abyss. They are but oscillations and cross-translations of mineral elements. The passage from one set of perspectives to the other. P of the point of view between two takes. He who views is confronted with the very failings of recognition.

 

Because the artist’s gesture is basically one of cutting and sampling. No Méliès-like optical effects or magic but editing in the digital age. The image is thus made between the field and the computer, in the process of going to and fro between walking, drawing and taking shots. It follows the logic of the retinal image and of its persistence. Several captures collide and coalesce to render a unique piece. Those images are the legacy of Muybridge and Marey as well as the long laying down of the paint, on top and underneath. They play with the diversity of the effects of capturing time. They condense a succession. They freeze a sequence. They stratify moments. They diffract on the time of the world and tell of its disagreement as it is true that a computer program works out the movements of the sun and prescribes the time of the take according to a fundamental fact of this work: the shadow. But not at all to round off the touch-ups.

 

Those shadows have no correspondence. Out-of-line shadows, impossible shadows. They are all time distortions. The projection is not direct. These fuzzy, uncanny fragments then turn into places of investigation. The objects and the lines are all traces, and they all bear witness to so many distinct moments of action. So it must be said that those pieces are made with a theoretical background, since photography is also a production of the mind. Every single one of them is the result of a question. How to make the discreet image of an infinitesimal transformation? How to make the unified figure of diffraction and to make one thing with multiple parts? How to put multiplicities under the authority of one form? How to resolve the difference of scales and times in one frame? This is where the digital manufacturing comes into play, where the lack of measurement in continuity is integrated by calculation. And on this contemporary order of integers is superimposed the Greek figure of Lesbos mentioned by Aristotle again, “that rule which is not strict and can espouse the shapes of stone”, that rule that adapts to things and their crevices or folds, that rule which attempts to measure what does not coincide with itself. Not to counter geometry in the name of singular, but to recall the abstraction just when, contrary to the Baudelaire’s doctoring, you keep “the tasks that nature has outrageously sown there” while registering them on a virtual cross-ruled surface.

 

However another problem arises: if no common language that we know of can express the conversion of one system to another, can we endow the work with this ambition? He is tempted by going to and fro between places, times, drawing, shots, repeats. But this remains a fragile exercise: at first the stitches are invisible and the scales are rubbed out, but the attentive eye may stress the discrepancy which would locate the gap and, shattering the balance point, would spread it around. Not only would the viewer hound the tears, he could also become obsessed with them!

 

Thus it can be said that those crystallizations take the Egyptian risk, if you want to refer to Hegel’s categories of aesthetics. Indeed, intending to make Greece and classical art the place of birth of the human figure and of its accomplished representation, he mentions the Egyptian colossi which anticipate the transition from one art to another: “Remarkable are the colossal Memnons who, folded upon themselves, motionless, with tight arms and lifeless, face the sun so as to receive its beams that touch them, bring them to life and make them resound". At least Herodotus asserts that the Memnons make sounds at sunrise. (…). This phonation may be explained by analogy with the crackling of some minerals when they are dipped in water: "the sounds emitted by those stone figures would come from the slits which would open and close under the influence of the dew and of the morning coolness, and then of the warming up by the first sunbeams.” He goes on, to differentiate those moments in art history: “But as symbols, those colossi (…) need light from outside to make their souls resound. (…) In Egypt the inside of the human figure is still voiceless and waits for nature to come alive”. Oscillations between mineralities and faces, sensitiveness to the moments of the day, an attempt to possess the qualities of the sea air. This is what could describe Baudouin Colignon’s images.

 

In fact, the human figure remains at the heart of a series of his photographic works, thrown shadows, uncertain dimensions, not to say colossal at that, cuttings and outlinings, lines of chalk or traces of light. The self-portrait is nearly there, but always postponed. It also waits for nature to come alive: the passing of the stars, the ebb and flow of the sea. But there is even more: in those cracks of the visible, in those slits that open and close, the Greeks put in hybrid beings, still clutching Nature, logic uncertainties that are half-men, half-gods, mermaids or cyclops stranded between the flow of the waves and the fence of the islands. Evanescent entities. Things seen. Effects of desire. Baudouin Colignon takes up in his account this game on what appears and disappears through his lines.

 

To this end, he plows back into the Fable, which makes a young abandoned girl drawing the figure of her husband into the point of origin of painting. The episode is narrated by Pineus in Book XXV of Natural History: “Fingere ex argilla similitudinies Butades Sicyonius primus figulus invenit / Corinthi filiae opera, quae capta amore iuvenis, abeunte illo peregre / umbram ex facie eius ad lucernam in pariete lineis circumpscripsit…”. Drawing and sculpture were formed between father and daughter – lines on the wall, clay in the fire, districts and similarities, stoppings in the carving, interruptions in the lighting, fixing what is going away, Baudouin Colignon’s photos are so many graphics worked out and experimented of a light that borrowed the gestures of this original young girl. But a very different trace settles there, that of the broken and always renewed wedding of nature and geometry, of the island and of the foam, of the chalk and the shadow, those of a world before which our improbabilities now come to cloud.